Le bruit courait depuis quelques jours, il s'est transformé en fracas. Une trentaine de joueurs professionnels ont reçu un courrier des impôts, lesquels annoncent un contrôle fiscal portant sur les trois dernières années.
L' Etat devrait prélever un pourcentage sur leurs gains, comme pour n'importe quel contribuable. Il est à penser que la grande majorité des joueurs n'y serait pas réfractaire. A la condition, bien sûr, que cela s'accompagne d'une régularisation et d'une clarification de leur statut. C'est à dire, d'une véritable "sécurité de l'emploi" et d'une reconnaissance sociale. Mais en fait, ce rappel à l'ordre, soudain et très ciblé, apparaît plutôt comme une attaque. Sur le plan financier, mais aussi éthique. Vous gagnez des millions impunément? Nous allons vous faire payer l'addition.
Déroutant, mais au fond logiqueActuellement, le poker reste officiellement considéré comme un jeu de hasard. Regrettable, en tant que cette vision (purement législative) ne correspond en rien à l'essence même du jeu. Mais par conséquent, en tant que jeu de hasard, les gains générés ne peuvent être imposés. De là, ce courrier du fisc n'est-il pas purement illégitime? Non, rétorque l'Etat, car "tout revenu régulier doit être soumis à l'impôt". Un intitulé vague et peu clair, ce qui n'est pas le cas de l'article 170 du Code Général des Impôts.
Celui-ci stipule clairement que "tout contribuable doit établir une déclaration de ses revenus de l'année précédente, même s'il n'est pas imposable". En clair, l' Etat exige la transparence, un certain droit de regard. Les joueurs français en question n'auraient pas déclaré le montant de leurs gains, et c'est tout l'objet de cette injonction fiscale. Mais ce paradoxe, entre l'impossible prélèvement relatif aux jeux de hasard et la déclaration obligatoire des revenus, rend la situation floue. Une distorsion de texte qui ne profitera surement pas aux amoureux des cartes.
Mais en théorie, un joueur professionnel, pour qui le poker constitue donc la principale source de revenus, devrait être imposé comme quiconque. Pas forcément directement sur l'argent gagné, mais sur les gains que celui-ci génère à terme (placements bancaires, intérêts etc..). De plus, il semblerait que certains contrats de sponsoring n'aient pas été déclarés, ce qui est là anormal. En creusant le sujet, on s'aperçoit que cette piqure de rappel fiscale est tout sauf infondée. Preuve en est: aucun professionnel incriminé n'a porté l'affaire devant les tribunaux, préférant la solution amiable.
ConséquencesQuoi qu'il en soit, cette série de courriers fait l'effet d'une mini-bombe dans le milieu du poker. On parle d'un redressement fiscal à hauteur de plusieurs centaines de milliers d'euros pour certains. Les joueurs visés par le FISC seraient tous ceux faisant partie du top 100 français. Il sera difficile, pour les requins de l'hexagone, de passer à travers les mailles du filet. De quoi provoquer la fuite de nos meilleurs joueurs vers des pays plus souples en matière de fiscalité? C'est à craindre, d'autant plus que le poker français n'a jamais été aussi performant qu'aujourd'hui, et que beaucoup de ses représentants vivent déjà à l'étranger. Personne ne voudra voir ceux-ci, repliés dans une luxueuse chambre d'hôtel suisse, entamer une célèbre chansonnette réécrite pour l'occasion: "Mais vous n'aurez pas....ma liberté de gagner..."
Auteur : Christophe Guerra
Source :
http://www.poker-actu.fr/news-poker/les ... iscal_4456